Recherches action

Mieux connaître la cyber-prostitution des femmes en Midi-Pyrénées

E.Clouet – Mars 2014

Extrait de l'introduction :

Depuis 2008, l’association Grisélidis est présente sur le terrain virtuel (Net) et a d’ores et déjà engagé une action expérimentale de prévention et de réduction des risques liés aux violences et aux enjeux de santé avec les personnes proposant des rapports sexuels tarifés via Internet (« escort-e-s », « escort-girls », « escort-boys », « indépendantes », « occasionnelles », « masseuses », « filles en appart’ », « filles d’agence », etc). Après dix ans d’expérience de travail de terrain avec les personnes prostituées de rue, deux enquêtes préliminaires (non financées) ont été menées en 2008-2009 en Midi-Pyrénées afin de mieux connaître les pratiques cyber-prostitutionnelles et de repérer les besoins des personnes prostituées via Internet résidant et exerçant dans la région. Ces études conduites par Eva Clouet, sociologue, et Niki Chevron, escorte de la région, ont mis en évidence la forte exposition de ce public aux violences (traite en vue de la prostitution, proxénétisme de contrainte, viols, agressions, vols, harcèlement, etc) et aux risques sanitaires (IST, VIH). Cette situation est liée au genre (et à la position subalterne des femmes dans ces rapports sociaux) et est aggravée par leur isolement (notamment dû au médium Internet), par le manque d’actions d’information et de soutien et d’interlocuteurs-trices adéquats.

Cette recherche-action, soutenue par la Délégation Régionales aux Droits des Femmes et à l'Egalité (DRDFE) et par la Région Midi-Pyrénées, donne aujourd'hui l’opportunité d’approfondir et d'affiner les connaissances sur les échanges économico-sexuels des femmes via Internet sur ce territoire.

- Comment fonctionnent et s’organisent les échanges économico-sexuels sur le web ?

- Quels sont les acteur-trices en présence et quels rapports de pouvoirs s'articulent dans ces dispositifs de sexualité ?

- Dans quelles conditions les femmes prestataires de rapports sexuels tarifés via Internet exerçant et/ou résidant en Midi-Pyrénées travaillent-elles ?

Il s'agit également de mieux comprendre les mécanismes et enjeux de prévention autour de ces échanges, et d’en saisir toutes les subtilités afin de proposer une méthodologie efficace adaptée à la diversité de ce public.

- Qu'en est-il des pratiques à risques liées à ce type particulier d'échanges

- Quels moyens et stratégies les femmes utilisent-elles pour contourner ou limiter les risques ?

- Quels dispositifs attendent-elles des associations de terrains ?

- Quelles sont les violences subies par ces femmes en lien avec l'activité prostitutionnelle ?

- Quels sont leurs besoins en terme d’accès aux droits ? De prévention ? D’accès aux soins ? Concernant la réorientation de carrière professionnelle ?

Autant de questions auxquelles nous tentons de répondre dans ce rapport.

Téléchargez la recherche au format PDF.

 

Réalités et besoins des femmes prestataires de services sexuels tarifés via Internet

E.Clouet - DGS 2012-2013

Introduction

Depuis plusieurs années, la situation des personnes prostituées –qu'elles travaillent dans la rue, via Internet ou dans des lieux privés (appartements, bars, clubs, salons, etc)– s'inscrit dans un contexte sociétal de précarité économique croissante, de chômage et de pauvreté accrus –en particulier du côté des jeunes, des femmes et des mères de familles monoparentales– et de xénophobie. Depuis les lois sur la sécurité intérieure de 2002 et la pénalisation du racolage (1), les personnes prostituées sont stigmatisées en tant que délinquantes, victimes de violences accrues et d’arrestations répétées (2). De même, depuis les années 2000 les politiques publiques vis-à-vis de la migration connaissent un certain nombre de transformations –restriction des régularisations, durcissement de la répression envers les étrangers dans un contexte xénophobe général– accentuant les discriminations à l’encontre des prostituées migrantes.

A l’heure où nous terminons ce rapport, le Sénat a cependant adopté, le 28 mars 2013, une proposition de loi visant à abroger le délit de racolage public. Toutefois, le travail du sexe demeure envisagé dans un cadre répressif, notamment par le maintient de la pénalisation du proxénétisme d'aide et de soutien qui pénalise majoritairement les TdS et leur entourage (3), ainsi que le projet de loi de pénalisation des clients de services sexuels tarifés élaboré et envisagé par le gouvernement actuel dans l’objectif «d’abolir la prostitution» (4).

Concernant l'offre de prestations sexuelles tarifées via Internet plus particulièrement, l'émergence puis l'essor de cette «nouvelle forme de commerce sexuel» (5) est à mettre en lien avec l'avènement de la société de consommation et de services, le développement et la démocratisation des technologies de l'information et de la communication (TIC) et donc l'accès au «cybersexe» (6), ainsi qu'à la précarisation des relations affectives (7); le tout envisagé au regard de rapports de genre inégaux.

C’est donc dans ce contexte que les échanges économico-sexuels sur Internet prennent corps.

Depuis que l'association Grisélidis travaillent avec les personnes prestataires de services sexuels via Internet («escort-e-s», «escort-girls», «escort-boys», «indépendantes», «occasionnelles», «masseuses», «filles en appart’», «filles d’agence», etc), elle mesure l’intérêt que suscite son action de terrain (mise en place dès 2009), ainsi que le sujet des échanges économico-sexuels via internet d’une manière générale. Cet intérêt est bien sûr partagé par les personnes concernées –qui aujourd’hui ont encore trop peu d’interlocuteurs-trices comprenant et maîtrisant réellement les mécanismes et enjeux de leur activité sur le Net, et donc capables de leur offrir des réponses adaptées aux problématiques qu’elles rencontrent; intérêt également partagé par les associations de terrain –notamment les associations de santé communautaire; mais aussi par les décideurs politiques, les professionnel-le-s du médico-social, ou encore au sein du milieu universitaire, sans oublier les médias.

Aujourd’hui pourtant, encore peu de travaux sur les échanges économico-sexuels via internet ont été produits. D’ailleurs, comme nous avons pu le constater en menant cette recherche,la sexualité tarifée via internet demeure un sujet «nouveau», «qui questionne», dont les mécanismes et enjeux restent encore mal ou méconnus.

Cette recherche-action, soutenue par la Direction Générale de la Santé (DGS), donne aujourd'hui l’opportunité d’approfondir et d'affiner les connaissances sur les échanges économico- sexuels des femmes via Internet en France.

Comment fonctionnent et s’organisent les échanges économico-sexuels sur le web français ? Quels sont les acteur-trices en présence et quels rapports de pouvoirs s'articulent dans ces dispositifs de sexualité? Dans quelles conditions les femmes prestataires de services sexuels tarifés via Internet travaillent-elles?

Il s'agit également de mieux comprendre les mécanismes et enjeux de prévention autour de ces échanges, et d’en saisir toutes les subtilités pour proposer une méthodologie efficace adaptée à la diversité de ce public (femmes et clients). Notre finalité étant, en tant qu'institution de Santé (DGS) et association de santé communautaire, de lutter contre le VIH-SIDA et les IST (dont Hépatites) avec les femmes proposant des services sexuels tarifés via Internet et leurs clients. Qu'en est-il des pratiques à risques liées à ce type particulier d'échanges économico-sexuels? Quels moyens et stratégies utilisent les femmes pour contourner ou limiter les risques? Quels dispositifs attendent-elles des associations de terrains?

Autant de questions auxquelles nous tentons de répondre dans ce rapport.

Après avoir exposé le contexte dans lequel s'inscrit cette recherche, ses objectifs et son déroulé (première partie), nous nous arrêterons sur le dispositif méthodologique et les conditions de recueil des données (seconde partie).

Dans une troisième partie nous verrons comment fonctionnent et s'organisent les échanges économico-sexuels via Internet, et tâcherons de mieux comprendre comment s'articulent les rapports entre les différents acteurs.

Dans une quatrième partie nous présenterons les principaux constats sur la santé sexuelle des femmes prestataires de services sexuels tarifés via Internet, en nous arrêtant sur les pratiques à risques liées à l'activité identifiées ainsi que les attitudes et connaissances qu'a notre public en matière de prévention santé.

Dans une cinquième partie, nous examinerons les principaux facteurs aggravant les risques sanitaires et favorisant les situations de violences envers les travailleuses du sexe du Net.

Enfin, dans une dernière partie, nous proposerons des recommandations pour d'éventuelles actions avec et pour les femmes prestataires de services sexuels via Internet et leurs clients.

Telechargez la recherche ici

 

Mobilité internationale des femmes, échange économico-sexuel et politiques migratoires: la question du "trafic".

Françoise Guillemaut - Cahiers du CEDREF 2008.

Extrait de l'introduction:

L’objet de cette contribution est de relier entre elles les notions de genre, de migration et de prostitution-travail du sexe 3 afin de proposer une mise en perspective historique et politique des débats théoriques liant migration internationale, prostitution et trafic. Dans un premier temps, nous procéderons à un rapide retour sur l’histoire pour établir des liens avec la situation actuelle et les positions contemporaines de pénalisation ou de criminalisation de la prostitution des migrantes et pour comprendre l’instrumentalisation des thèmes de la traite et du trafic à des fins xénophobes et sexistes par les pouvoirs publics. Puis nous évoquerons les questions du recueil des données et des méthodologies d’approche du terrain. Enfin, nous poserons les jalons d’une approche théorique de cette problématique.

Telecharger le recherche ici

(1) Le racolage passif est devenu un délit passible de 2 mois d’emprisonnement et de 3750€ d’amende, avec les lois sur la sécurité intérieure (LSI) mises en place par Nicolas Sarkozy en 2003.
(2) Constats partagés par l'ensemble des associations de terrain qui travaillent avec ce public, et repris dans le récent rapport de l’Inspection générale des affaires sanitaires et sociale (IGAS) de décembre 2012 sur les enjeux sanitaires de la prostitution.
(3) Cette loi pénalise principalement des travailleurs-euses du sexe et leur entourage : leurs enfants majeurs, leur conjoint-e, leurs parents, les personnes qui cohabitent avec elles/eux, leurs ami-e-s s’ils-elles bénéficient d’une invitation, leurs collègues s’ils-elles bénéficient d’une geste de solidarité matérielle. Elle empêche ainsi toute association et/ou acte de solidarité entre TdS et renforce ainsi leur isolement.
(4) En juin 2012, dès l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes et porte-parole du gouvernement, a déclaré que son objectif «comme celui du PS, c’est de voir la prostitution disparaître».
(5) BIGOT Sylvie. L'escorting : approche sociologique d'une forme de prostitution, Thèse de doctorat – Université de Caen, 2008, p.71
(6) LELEU Pascal. Sexualité et Internet, Éditions L'Harmattan, Paris, 1999 ; LARDELLIER Pascal. Le cœur NET – Célibat et amour sur le Web, Paris, Editions Belin, 2004.
(7) BIGOT Sylvie (2008) Op.cit. p.71
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